« […]
— Et puis t’es tellement lugubre, tu restes, là, comme une chiffe molle. Les écrivains sont tellement… précieux… vous pouvez pas saquer les gens. L’humanité pue, c’est bien ça ?
— Exactement.
[…]
— Tu comptais faire quelque chose ce soir ?
— J’avais l’intention d’écouter les chants de Rachmaninov.
— Qui c’est ?
— Un Russe, mort.
— Regarde-toi. T’es complètement avachi.
— J’attends. Certains ont attendu deux ans. Parfois, ça ne revient jamais.
— Et si ça ne revenait jamais ?
— J’enfilerais mes godasses et j’irais me balader dans la Grande Rue.
— Pourquoi ne prends-tu pas un boulot décent ?
— Il n’y a pas de boulot décent. Si un écrivain ne réussit pas à créer, il est mort.
— Oh ! allez, Carl ! Il y a des millions de gens dans le monde qui bossent sans créer quoi que ce soit. Est-ce que tu veux dire par là qu’ils sont morts ?
— Oui.
— Et toi tu as une âme ? Tu es l’un des rares qui aient une âme ?
— Je le crois assez.
— Je le crois assez ! Toi et ta petite machine écrire ! Toi et tes chèques dérisoires ! Ma grand-mère gagne plus de blé que toi ! »
(Tu ne sais pas écrire une histoire d’amour)