la princesse
Que pourriez-vous me dire s’il vous fallait défendre cet homme ?
le professeur
Qu’il est un poète, c’est-à-dire, qu’il est indispensable, bien que je ne sache pas à quoi. Puis-je, madame, vous interroger à mon tour ?
la princesse
Nous verrons si j’ai congé de vous répondre.
le professeur
Simple curiosité d’un homme de science. Voilà : quelle heure est-il ?
Heurtebise
Aucune, professeur. Aucune. Continuez à dormir. Vous êtes libre.
le professeur
Merci. J’éprouve… comme une difficulté d’être… une manière de fatigue… Il me semble…
Heurtebise
Dormez… dormez, professeur. Je le veux.
le professeur
Merci. Madame… je vous présente mes hommages. Je dors.
la princesse
Bonne nuit. Je n’ignore pas que les détours de votre itinéraire sont une sorte de labyrinthe fort éloigné du nôtre, bien qu’il s’y mélange et que, s’il vous a été possible de découvrir la seule personne apte à corriger vos erreurs et votre désobéissance aux lois terrestres cet acte ne bénéficiait pas d’une distraction de l’inconnu, mais d’une sorte d’indulgence suprême dont il vous arrive, cher monsieur, d’abuser, et qui pourrait bien vous manquer un jour. Seulement, si je déborde ici mes prérogatives, c’est que je tenais à vous mettre en garde, avant de consulter votre guide sur la limite de ses privilèges et de ses responsabilités.
le poète
J’ai peine à vous comprendre.
Heurtebise
On ne vous demande pas de comprendre.
la princesse
Ne jouez pas les nigauds de village. Il me semble, à moi, que vous comprenez à merveille et que vous trouvez bon de faire l’imbécile plutôt que de passer aux aveux.
le poète
Mais, madame…
Heurtebise
Silence. Vous devriez vous féliciter de la mansuétude incroyable dont le tribunal préventif fait preuve à votre égard.