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folie

  Je me souviens d’un film. Dans la caverne du nain, le jeune Siegfried s’est forgé une épée. Il la trouve belle, la tend devant lui, jette en l’air une plume, la reçoit sur le tranchant, et la plume continue de tomber, coupée tout bonnement en deux. J’ai réfléchi à cette plume. Certains esprits n’ont pas de fil. L’idée tombe dessus et s’accroche bêtement, flocon de neige sur une branche. Sur d’autres, l’idée se divise. Une idée tombait, en voici deux. Papa me le reprochait à sa façon :
  — Tu coupes les cheveux en quatre.
  Plumes en deux, cheveux en quatre, on pense double, on souffre en plus fin, même pour des niaiseries. Mais est-on fou ?
  Je connais quelques jeunes gens. Ils ont étudié, ils savent tout, ils ont des guides sûrs, ils s’adossent à des principes solides, en marbre : des colonnes. Belle bleue ratée, je ne sais rien. Mes colonnes cèdent dans mon dos comme de la toile peinte. Je le regrette et je me fiche par terre. Est-ce être fou ?
  Par malheur ou niaiserie, je n’ai pas poussé très avant mes études. Néanmoins, je lisais. M’en a-t-on fait le reproche ! Je lisais trop, je lisais des choses trop savantes, je lisais des choses « à me tournebouler la tête ». Peut-être. Un livre, le voir m’émeut déjà. Je dois l’ouvrir, en attraper une page, une phrase, un mot, ajouter à la mienne ce rien de la pensée d’autrui. J’ai lu Pascal ; j’ai lu Montaigne. J’ai trouvé, chez les deux, une même idée : la planche au-dessus du gouffre, ou la poutre entre les deux tours de Notre-Dame d’une grosseur telle qu’il nous la faudrait pour marcher dessus si elle était à terre et dont l’idée donne déjà le vertige. Les tours de Notre-Dame, c’est bien haut ? J’ai connu de ces planches niaisement – oui, je dis : niaisement – couchées par terre, dans l’au jour le jour de la vie et j’ai passé dessus, en plein vertige ! Est-ce être fou ?